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La COVID-19 : De l’éclosion au vaccin

Shape 16 avril 2020

Article rédigé par deux experts de centres collégiaux de transfert (CCTT), Mme Sarah Paris-Robidas et M. Frédéric Couture, TransBIOTech.

L’année 2020 sera, hors de tout doute, une année mémorable. Le monde entier a été pris de court face à la pandémie de coronavirus SARS-CoV-2 forçant la mise en place de mesures de contrôle hors du commun et engendrant la mise à l’arrêt de la plupart des activités sociales et économiques. Cet article se veut une couverture vulgarisée du virus, de son processus d’infection, de sa virulence ainsi que des moyens de contrôle et de traitements afin de maîtriser la pandémie. 

Le SARS-CoV-2 et la maladie à coronavirus COVID-19

En novembre 2019, plusieurs cas de maladies respiratoires non-identifiées font leur apparition dans la ville de Wuhan en Chine. Après une multiplication rapide du nombre de cas, la Chine déclare l’état d’urgence en janvier 2020. Le coupable : un nouveau coronavirus appelé le SARS-CoV-2, l’acronyme de « severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 » causant une maladie à coronavirus appelée la COVID-19, l’acronyme de « coronavirus disease-2019 ». L’épidémie s’est rapidement propagée hors de la Chine pour devenir une pandémie. Cette dissémination rapide est une propriété particulière de ce coronavirus. Bien que plusieurs autres types de coronavirus soient répertoriés, dont de nombreux sont responsables de rhumes, les coronavirus sont mieux connus pour le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (SRMO, en 2014) et le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS, en 2003) qui ont causés, à l’époque, plusieurs épidémies dans certains pays du monde (Wang, Horby et al. 2020). 

Infection

Comme pour plusieurs types de virus, le SARS-CoV-2 semble, d’après des analyses phylogénétiques (classification, taxonomie), provenir d’un réservoir animal, la chauve-souris dans le cas présent, laquelle est l’hôte de plusieurs types de coronavirus. L’analyse du virus suggère que ce dernier a probablement transité dans un réservoir intermédiaire consommé entre autres dans le sud de la Chine, soit le pangolin qui est un petit mammifère fourmilier. Le virus aurait alors acquis, au moyen de mutations génétiques, la capacité d’infecter les humains. Il faut comprendre que les virus ne sont pas des êtres vivants en tant que tels puisqu’ils ne peuvent pas se répliquer (ou se reproduire) de façon autonome. En effet, les virus sont plutôt des particules infectieuses contenant le matériel génétique (ARN) capable de permettre leur réplication, donc la production d’autres copies de virus, sans toutefois avoir la capacité de la réaliser. Le virus doit infecter un hôte en s’accaparant ainsi de la machinerie de ses cellules pour produire de nouveaux virus.

Lorsque le virus atteint les voies pulmonaires, soit après inhalation des microgouttelettes projetées dans l’air ou par contact avec le virus déposé, par exemple, sur les mains ou un objet, celui-ci rejoint les cellules qu’il a la capacité d’infecter de par la présence d’une enzyme de conversion présente (ACE2) sur leur membrane (Figure 1)(Hoffmann, Kleine-Weber et al. 2020). Il s’ensuit une infection permettant la production d’une quantité importante de virus par des cycles d’infections d’une cellule à l’autre augmentant la charge virale (Zhang, Penninger et al. 2020).

 

Étapes du processus d’infection du SARS-CoV-2

Le virus, au niveau des poumons, se lie aux cellules pulmonaires via ses protéines de surface qui lient ACE2 (angiotensin-converting enzyme 2) lui servant de récepteur principal. Le clivage par une enzyme de surface des cellules pulmonaires (TMPRSS2 ou d’autres enzymes) engendre le relâchement du matériel génétique viral dans la cellule infectée. Il s’ensuit le détournement de la machinerie cellulaire pour produire de nouveaux virus et répliquer le matériel génétique qui sont ensuite assemblés pour former plusieurs nouveaux virus ainsi relâchés pour propager l’infection aux autres cellules. Le mucus pulmonaire se trouve ainsi chargé de particules virales pouvant être disséminées par les éternuements, la toux et la simple élocution sous forme de microgouttelettes.

 

Devant une charge virale grandissante, une inflammation locale s’installe causant une accumulation de fluides au niveau pulmonaire (Figure 2). Ces fluides, lorsque présents en trop grande quantité, viennent compromettre la transmission normale de l’oxygène de l’air vers la circulation sanguine; cela se caractérise par des difficultés respiratoires comme si la personne infectée était à l’effort. Dans les cas plus sévères, les patients doivent être placés sous respirateur pour maintenir une oxygénation suffisante afin d’assurer les fonctions vitales. Il y a également possibilité que l’inflammation devienne systémique (dans tout le corps) occasionnant des complications plus graves pouvant conduire à la mort des patients (Rothan and Byrareddy 2020).

 

Pathophysiologie de la COVID-19

Après un contact avec des microgouttelettes contenant une quantité suffisante de virus pour atteindre les voies pulmonaires, le SARS-CoV-2 infecte les cellules causant la maladie à coronavirus (COVID-19). Après l’infection en cycle (FIGURE 1) de plusieurs cellules, il s’ensuit un recrutement de cellules immunitaires et de l’inflammation locale engendrant de l’irritation, de la toux et de la fièvre. La réponse initialement locale peut devenir plus généralisée avec, entre autres, des douleurs musculosquelettiques causées par les médiateurs inflammatoires circulant dans le sang. Dans les cas plus sévères où le système immunitaire n’arrive pas à contrôler l’infection, de l’accumulation de fluides au niveau des poumons survient, provoquant des difficultés respiratoires. Dans les cas plus agressifs, l’inflammation devient systémique et engendre des défaillances de plusieurs organes pouvant mener jusqu’au décès des personnes atteintes.


Virulence et propagation

Le SARS-CoV-2 s’avère un virus plutôt contagieux comparativement à d’autres virus communs dans la population. Les épidémiologistes comparent le potentiel pandémique des virus en utilisant un facteur appelé R0 (le nombre de personnes qu’un patient contaminé va contaminer en moyenne). Pour la grippe saisonnière, cette valeur est habituellement entre 0,9 et 2 (jusqu’à deux contaminations en moyenne par patient atteint). Pour le SARS-CoV-2, cette valeur se situe entre 1,5 et 3,5 (Eisenberg J. (2020). De plus, comme l’immunité communautaire est inexistante pour ce nouveau virus, tout le monde devient susceptible d’être infecté, ce qui n’est pas le cas pour la grippe.

Par ailleurs, le virus est particulièrement infectieux comparativement à d’autres coronavirus (SRMO: R0=1 et SRAS: R0 =1-2,75) similaires au SARS-CoV-2. Ceci peut être attribuable à une différence présente au niveau de sa configuration protéique qui rend sa maturation très efficace et augmente sa capacité à infecter un patient. En effet, avec la multiplication des virus au niveau des poumons des patients (Figure 1), le simple fait de parler génère des microgouttelettes portées dans l’air ce qui peut potentiellement infecter les personnes environnantes (Sohrabi, Alsafi et al. 2020). 

Comment vaincre la COVID-19

L’identification du SARS-CoV-2 étant très récente, il n’existe présentement aucun médicament approuvé par Santé Canada ayant comme indication le traitement de la COVID-19. Présentement, l’arme la plus efficace détenue par la population est la prévention, jusqu’à ce que l’immunité soit suffisamment acquise dans la communauté au fil des infections ou encore via un vaccin, s’il est développable. Compte tenu la proportion de la population ayant potentiellement été infectée sans être symptomatique, il est possible que l’immunité s’installe plus rapidement que prévu, mais au moment d’écrire ces lignes, les données sont manquantes. 

Mesures d’hygiène et de distanciation sociale

Depuis le mois de mars 2020, la Direction de la santé publique nous martèle de recommandations portant sur le lavage des mains, la désinfection, d’éviter de se toucher le visage, la quarantaine et la distanciation sociale. En quoi ces interventions sont-elles concrètement utiles pour stopper la propagation de la COVID-19?

Le SARS-CoV-2 se propage par l’entrée en contact d’une personne saine avec les sécrétions, principalement sous forme d’aérosols (fines particules émises par exemple lors d’une toux ou d’un éternuement), d’une personne infectée. Ainsi, respecter un espacement de 2 mètres entre chaque personne permet de limiter les risques de contamination. Il est aussi important de mentionner que certaines données épidémiologiques suggèrent que 25% des gens infectés par le virus, possiblement davantage selon certaines études, peuvent être porteurs de la COVID-19 sans avoir de symptômes (Mizumoto, Kagaya et al. 2020, Nishiura, Kobayashi et al. 2020, Stocka, Aspelundb et al. 2020). L’absence de symptôme rend malheureusement ces personnes très à risque de transmettre la COVID-19, car elles se croiront en bonne santé. De plus, l’infection par le SARS-CoV-2 est associée à une période d’incubation de 5 à 6 jours du virus, mais pouvant aller jusqu’à 11,5 jours chez certaines personnes (Lauer, Grantz et al. 2020). Durant la période d’incubation, la majorité des gens auront peu ou pas de symptômes. Afin d’éviter la propagation de la COVID-19, il est essentiel pour les gens à risque d’avoir contracté la maladie (voyage récent, contact avec une personne infectée) de respecter une quarantaine de 14 jours. Cependant, malgré la pause sociale imposée pour lutter contre la propagation de la COVID-19, la population, elle, continue de devoir combler ses besoins essentiels comme se nourrir. Dans les circonstances actuelles, chaque visite à l’épicerie ou à la pharmacie augmente nos risques d’être infecté par le virus. À l’épicerie, comme dans n’importe quel magasin, nous touchons avec nos mains une multitude d’items (porte, panier, contenant, etc.). Bien souvent, ces mêmes items ont été quelques minutes avant manipulés par quelqu’un d’autre et ils seront manipulés par une autre personne quelques minutes plus tard. Il est donc facile de s’imaginer qu’il suffit d’une seule personne infectée pour contaminer un grand nombre de personnes, car, bien que le virus soit inactif à l’extérieur de son hôte, le SARS-CoV-2 peut survivre plusieurs jours sur une surface inerte. Afin de briser la chaîne de contamination, il est important de procéder à un lavage fréquent des mains. Le savon, par ses propriétés, est un excellent moyen de détruire le virus avant qu’il ne puisse faire de ravage (https://www.inspq.qc.ca/publications/2438).

Moyens pharmacologiques et vaccins

Depuis l’annonce de la pandémie, une course contre la montre a débuté pour trouver un traitement contre la COVID-19. Présentement, il n’existe aucun médicament, ni vaccin dont l’efficacité a été démontrée pour guérir ou prévenir la maladie. Heureusement pour nous, avec l’appui financier des gouvernements, des scientifiques à travers le monde ont décidé de s’attaquer à ce défi de taille. Présentement, plus de 300 études cliniques sont en cours à travers le monde afin de stopper les ravages de la pandémie. 

Des médicaments connus pour vaincre la COVID-19

En moyenne, le développement d’un nouveau médicament, de l’identification de la molécule jusqu’à la mise en marché, peut facilement nécessiter 10 à 15 ans de recherche intensive. Avec un nombre de décès ayant maintenant franchi le cap du 125,000, et augmentant de jour en jour, il est essentiel de trouver un traitement rapidement. Dans cette optique, un grand nombre d’initiatives employées par les compagnies pharmaceutiques et les équipes de recherche visent à étudier les effets de médicaments déjà connus contre la COVID-19. Cette stratégie permet d’accélérer grandement la potentielle découverte d’un traitement. Comme nous possédons déjà des informations importantes sur ces médicaments, notamment leur profil d’innocuité, il est ainsi plus facile d’initier des études cliniques chez l’humain rapidement.

Les vaccins en développement

Notre société est peu habituée de composer avec des grandes pandémies, car elle possède une arme de taille pour lutter contre la contagion: la vaccination. L’administration d’un vaccin déclenche chez une personne une réponse immunitaire contre un virus ou une bactérie spécifique et elle permet au corps humain de développer les armes nécessaires pour combattre une future infection. Présentement, les grands joueurs de l’industrie pharmaceutique, GSK, Johnson & Johnson ainsi que des compagnies québécoises comme Medicago, ont récemment lancé de nouvelles plateformes vaccinales. Pour ces nouveaux vaccins, le développement et l’approbation pourraient prendre jusqu’à 12 mois, dans le meilleur des cas. Les équipes de recherche doivent, dans un premier temps, identifier la forme ou la composante du virus qui entrera dans la composition du vaccin. Par la suite, des études précliniques sont menées pour évaluer l’efficacité et le profil d’innocuité du vaccin pour ensuite pouvoir initier des études cliniques chez l’humain. Présentement, les équipes de recherche travaillent d’arrache-pied pour accélérer le développement de candidats potentiels et plusieurs compagnies visent l’initiation de premières études chez l’humain d’ici la fin de l’été.

L’immunité acquise à la suite de la vaccination étant très spécifique, il est peu probable que des vaccins déjà existant soient efficaces contre le SARS-CoV-2. Cependant, le vaccin contre la tuberculose BCG a attiré l’attention de plusieurs équipes de recherche en Europe et en Australie. Selon certaines études, ce vaccin entraînerait une réponse immunitaire moins spécifique et des études sont présentement en cours pour évaluer son potentiel contre le coronavirus.

Nos initiatives québécoises

Colcorona

En mars dernier, on nous annonçait le lancement d’une étude clinique menée par le Dr Jean-Claude Tardif, directeur de l’Institut de Cardiologie de Montréal. Cette étude, nommée Colcorona, vise à étudier les effets de la colchicine pour réduire les complications respiratoires associées à la COVID-19. La colchicine est un médicament anti-inflammatoire utilisé depuis de nombreuses années pour le traitement de la goutte. Selon l’hypothèse du Dr. Tardif, les complications respiratoires chez les patients de la COVID-19 seraient associées à une « tempête inflammatoire » dans le tissu pulmonaire. L’utilisation d’un médicament anti-inflammatoire comme la colchicine pourrait ainsi atténuer la réponse inflammatoire et réduire la sévérité des complications pulmonaires. Pour le moment, l’étude clinique, qui cherche à recruter un nombre de 6 000 patients, est toujours en phase de recrutement. Le protocole de recherche étant d’une durée de 30 jours, l’équipe de recherche espère pouvoir partager de premiers résultats préliminaires d’ici les 6 prochaines semaines. 

Medicago

La compagnie québécoise Medicago est une entreprise biopharmaceutique bien connue dans la région de Québec. Spécialisé dans la production de vaccins, Medicago utilise une technologie unique permettant de produire et développer des protéines thérapeutiques chez la plante. La compagnie utilise des particules pseudovirales (PPV) qui imitent la structure du virus et permettent au corps humain de développer une réponse immunitaire non infectieuse. En seulement 20 jours, Medicago a réussi à produire des PPVs contre le SARS-CoV-2. L'entreprise est maintenant dans la phase préclinique du développement de son vaccin, laquelle cherche à évaluer son innocuité et son efficacité. Une fois les essais précliniques terminés, Medicago vise à lancer des essais chez l’humain d’ici la fin de l’été, dans l’objectif d’avoir terminé ces essais cliniques d’ici la fin de 2021. Medicago travaille aussi sur d’autres projets de recherche, en collaboration avec le Dr. Gary Kobinger du Centre de recherche en infectiologie de l’Université Laval afin de mettre aux points des anticorps contre le virus SRARS-CoV-2. 

Richard Leduc - Université de Sherbrooke

La stratégie de l’équipe de recherche du Dr. Leduc se base sur le mécanisme d’entrée du virus dans les cellules de l’hôte. Son approche vise à bloquer l'interaction entre la protéine Spike située en surface du virus avec des enzymes spécifiques localisées à la surface des cellules hôtes. Plus spécifiquement, la stratégie du laboratoire cherche à inhiber l’activité de ces enzymes et ainsi empêcher le virus d’infecter la cellule hôte. Le virus incapable de pénétrer une cellule et de se multiplier sera donc éliminé par le système immunitaire. 

En conclusion, en attendant la venue d’un vaccin ou d’un traitement, il demeure prudent de respecter les mesures de confinement imposées et d’adopter des règles sanitaires permettant de réduire les risques de propagation. La pandémie de la COVID 19 nous aura démontré que l’être humain demeure vulnérable, mais elle nous aura aussi démontré l’immense potentiel de connaissances et d’ingéniosité que le milieu scientifique a à offrir. 


La Dre Paris-Robidas détient un doctorat en pharmacie de l’Université Laval. Elle est chercheure en sciences pharmaceutiques au centre de recherche de transfert technologique (CCTT) TransBIOTech.

 

Le Dr Couture détient un doctorat en biochimie de l’Université de Sherbrooke. Il est chercheur en sciences pharmaceutiques et en biologie cellulaire au centre de recherche et transfert technologique (CCTT) TransBIOTech.

 

TransBIOTech est un CCTT affilié au Cégep de Lévis-Lauzon œuvrant en biotechnologies et contribuant au développement économique, scientifique et social, comme les 59 autres CCTT au Québec du réseau Synchronex.

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