Le design industriel à la portée des entreprises
FOCUS LANAUDIÈRE. Le design industriel aurait pris naissance au 19e siècle, dans la foulée de la révolution industrielle. Pourtant, les PME québécoises sont encore trop nombreuses à ne pas l'intégrer dans la conception ou l'amélioration de leurs produits. Le Centre collégial de transfert de technologie (CCTT) dédié au design industriel du Cégep régional de Lanaudière à Terrebonne, INÉDI, entend remédier à la situation.
«Il y a encore beaucoup de chemin à faire, mais on sent qu'il y a un intérêt croissant pour le design industriel», constate Sylvain Poirier, directeur d'INÉDI. Le CCTT vise justement à faire progresser cette pratique dans les entreprises du Québec.
Ce centre d'expertise et de formation a vu le jour en 2010 en s'appuyant sur le lancement du nouveau programme Techniques de design industriel offert au Cégep. Une première cohorte de 15 étudiants y a fait son entrée. Le programme en compte aujourd'hui 48, et des discussions sont en cours pour augmenter le nombre de places à 60.
«Comme il n'y avait pas de centre de recherche universitaire ou collégial dans la région, le Cégep et les acteurs économiques ont voulu combler ce besoin», explique M. Poirier. À l'époque, cette réflexion était aussi alimentée par l'annonce de l'éventuelle fermeture de l'usine du fabricant d'appareils électroménagers Electrolux, à L'Assomption. Ce coup dur pour la région - une perte de quelque 1 300 emplois - a été «l'occasion de relancer l'économie en misant sur des activités technologiques à plus grande valeur ajoutée», souligne-t-il.
Conception créative
Le centre INÉDI a commencé ses activités modestement, ne comptant que Sylvain Poirier comme employé à temps partiel. Aujourd'hui, l'équipe est composée d'une vingtaine de personnes, en plus d'une dizaine d'étudiants et professeurs qui participent occasionnellement aux travaux de recherche.
Son premier axe de recherche s'est orienté vers l'industrie manufacturière du meuble québécois, avec la mise sur pied de l'Empreinte Québécoise. Cette initiative de conception créative (design thinking) visait à promouvoir le design dans un secteur d'activité alors en perte de vitesse. «C'est un programme d'accompagnement des entreprises pour favoriser l'intégration du design à toutes les étapes de la conception jusqu'à la fabrication, en passant même par la commercialisation», précise M. Poirier.
À ce jour, quelque 18 entreprises réparties en trois cohortes ont participé à ce programme d'ateliers de cocréation qui s'échelonnent sur une période de 12 à 15 mois. L'une d'elles, Vanico-Maronyx, en a notamment profité pour réduire l'empreinte écologique de la fabrication de son mobilier de salles de bain. L'Empreinte Québécoise a depuis élargi son champ d'action et s'adresse aujourd'hui à tout secteur d'activité qui s'intéresse au design.
Prototypage virtuel et produits adaptés
INÉDI souhaite aussi rendre le monde virtuel à la portée des dirigeants d'entreprise. Son laboratoire de prototypage virtuel, baptisé HoloDEC Desjardins, a été aménagé à cette fin il y a près de deux ans. Doté d'équipements de pointe en visualisation immersive et en objets connectés, il permet en effet de rendre la réalité virtuelle et la réalité augmentée accessibles aux entreprises qui souhaitent concevoir des produits dans un tel environnement.
Ce laboratoire, qui a réussi à amalgamer des technologies de modélisation en design industriel avec des technologies de visualisation utilisées dans l'industrie du jeu vidéo, «permet d'offrir un univers virtuel créatif et collaboratif». «Les utilisateurs ont accès à des technologies avant-gardistes en 3D leur permettant de développer rapidement des projets à moindre coût», indique M. Poirier.
Le troisième axe de recherche d'INÉDI regroupe l'amélioration de la posture, de la mobilité, de l'autonomie et de la performance du corps humain. «Nous travaillons à renforcer le confort et la protection de personnes qui ont des handicaps ou diverses limitations en améliorant différents produits de la vie courante», précise Sylvain Poirier. L'expertise de l'équipe du centre dans le développement d'équipements sportifs de performance est aussi mise à contribution.
Or, INÉDI a renforcé sa capacité de recherche dans ce domaine ces derniers mois en intégrant notamment des spécialistes en biomécanique dans son équipe. «Nous voulons jumeler la science du mouvement au design afin de mieux aider les entreprises à développer des produits qui ont des applications commerciales ou industrielles», fait valoir son directeur.
En juin, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) a accordé à INÉDI une subvention de 2 M$ sur cinq ans destinée à mettre en place le Centre national d'innovation technologique en sport adapté. L'objectif est d'y effectuer de la recherche appliquée ainsi que du développement de produits pour le sport adapté. Et ce, en collaboration avec des athlètes, des chercheurs, des organismes communautaires, des fédérations sportives et des entreprises actives dans les domaines du sport, des aides techniques et de la réadaptation.
C'est connu, la mondialisation des marchés et la concurrence des pays à faibles coûts de production forcent les entreprises à innover constamment pour se démarquer. Les entreprises québécoises ont tout intérêt à miser sur le design industriel pour faire face à ces défis, et elle peuvent compter sur un centre de recherche tel INÉDI pour les appuyer dans leurs démarches.
Sources: Les affaires, édition du 24 Août 2019