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Tassadit Zerdani, une chercheuse passionnée de l’innovation sociale et collective

Shape 19 mars 2025

Dans le cadre de notre série Les visages de la recherche, nous sommes allés à la rencontre de Tassadit Zerdani, chercheuse au Centre d’études en responsabilité sociale et écocitoyenneté (CÉRSÉ). Avec une expertise unique en économie sociale et en gouvernance des organisations atypiques, Tassadit partage avec enthousiasme ses projets, ses inspirations et sa vision d’une recherche ancrée dans l’impact social.

Un parcours marqué par l’innovation sociale

Originaire d’Algérie, Tassadit Zerdani est animée par le désir de faire une différence. Son doctorat en administration des affaires, fruit d’un partenariat entre quatre grandes universités montréalaises (Concordia, McGill, HEC Montréal et l'UQAM), s’est concentré sur la gestion des organisations atypiques comme les coopératives et les OBNL, et sur le la gouvernance de réseaux interorganisationnels que développent ce type d’organisations afin de faire face aux enjeux socioéconomiques. 

Les réseaux interorganisationnels sont au cœur de l’innovation sociale, car ils permettent de regrouper des ressources et des expertises pour répondre à des enjeux complexes. Par exemple, dans une coopérative, la gouvernance repose sur une prise de décision collective et la répartition des bénéfices est réinvestie dans la communauté ou dans les projets d’intérêt collectifs. Cette gestion, souvent moins hiérarchique que celle des entreprises traditionnelles, favorise l’engagement des parties prenantes et des approches adaptées aux besoins locaux.

« Contrairement à une entreprise classique, une coopérative ou un OBNL priorise les valeurs d’inclusivité et de collaboration. Cela implique une reddition de comptes auprès de ses membres ou de ses bénéficiaires, et souvent une forte dépendance aux subventions publiques pour initier des projets. Ce modèle demande une gouvernance flexible et innovante, mais offre des solutions durables à des problèmes sociaux et économiques complexes, » explique Tassadit.

Après un parcours riche en enseignement et en consultation, elle rejoint le CÉRSÉ en 2022, mais elle avait collaboré avec l’équipe du CÉRSÉ, à titre de consultante depuis 2019. Dès ses débuts, Tassadit s’attaque à des enjeux complexes tels que la reprise collective d’entreprises en difficulté, l’insécurité alimentaire, l'habitat collectif et participatif et l’intégration de modèles d’affaires innovants à triple dimensions (économique, sociale et environnementale). 

« Mon objectif est de proposer des solutions concrètes pour des problématiques sociales complexes en travaillant étroitement avec les acteurs concernés, » explique-t-elle.

La reprise collective : une innovation méconnue

L’un des domaines d’expertise du CÉRSÉ est la reprise collective. Tassadit a collaboré à de nombreux projets sur cette thématique. Ce concept, inspiré de modèles français, permet, dans certains cas, aux employés de transformer des PME en coopératives ou en OBNL pour pérenniser leurs activités. Dans d’autres cas, c’est un collectif externe qui achète la PME et la transforme en coopérative ou un OBNL.

« Au Québec, ce champ était peu exploré jusqu’à récemment. En 2019, le CÉRSÉ a recensé 250 cas de reprises collectives, dont plusieurs dans le secteur du commerce de détails. Mais, malheureusement, très peu de cas dans le milieu agricole, un secteur portant touché par les enjeux de la relève, » raconte-t-elle.

Ces projets de reprises collectives permettent non seulement de maintenir des emplois, mais aussi de revitaliser des régions. Tassadit et son équipe travaillent actuellement à développer des stratégies pour accompagner ces transformations, en collaboration avec des acteurs du milieu. Ces projets sont financés, entre autres, par le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie.

Une recherche appliquée qui fait la différence

Ce qui distingue le travail de Tassadit, c’est son approche de la recherche-action. 

« La recherche appliquée permet de coconstruire des solutions avec le milieu, d’avoir un impact direct sur les pratiques sociales, » dit-elle avec conviction. 

Parmi ses réalisations marquantes, elle cite son implication avec l’équipe du CISA à la structuration et la pérennisation d’un réseau d’incubateurs agricoles au Québec, aujourd’hui formalisé en OBNL, le Réseau Racines.

Ses projets en lien avec la transition socio-écologique, comme celui sur les marchés solidaires et les systèmes alimentaires locaux, illustre bien cette vision. Soutenu par une subvention majeure, il explore comment citoyens et entreprises peuvent collaborer pour adopter des pratiques durables, en misant sur des modèles d’affaires adaptés aux défis climatiques et sociaux.

Des défis et une vision pour l’avenir

Si Tassadit est optimiste face à l’impact de ses projets, elle identifie plusieurs défis à relever dans le domaine de l’innovation sociale. L’un des enjeux majeurs est la mesure de l’impact social. Contrairement à des résultats financiers quantifiables, l’impact social repose souvent sur des changements intangibles comme les pratiques sociales ou les mentalités collectives.

« La difficulté réside dans le fait que ces impacts se manifestent à long terme. Documenter ces transformations exige des témoignages, des études qualitatives et du temps, ce que les bailleurs de fonds traditionnels et les gouvernements peinent parfois à intégrer dans leurs critères de financement, » observe Tassadit.

Un autre défi clé est le suivi post-recherche. Pour Tassadit, il ne suffit pas de présenter les résultats aux partenaires ou aux milieux utilisateurs. Elle milite pour des programmes qui financeraient l’accompagnement sur le terrain, afin de transformer les recommandations en actions concrètes et pérennes. 

« Les innovations sociales ne sont pas des machines qu’on peut activer immédiatement. Elles nécessitent un accompagnement continu pour que leurs impacts puissent être pleinement mesurés et appréciés, » insiste-t-elle.

Tassadit souligne également le rôle essentiel des collaborations multisectorielles dans cette démarche. Par exemple, ses projets en reprise collective ou en transition socio-écologique montrent qu’une synergie entre citoyens, entreprises, institutions publiques et chercheurs est indispensable pour aborder des enjeux complexes comme l’insécurité alimentaire ou le déclin de la relève agricole.

« Ce travail exige que tous les niveaux interagissent: citoyens engagés, modèles d'affaires révisés, incitatifs gouvernementaux et structures de soutien renforcées. Sans cette cohésion, nous risquons de manquer les transformations sociales nécessaires, » conclut-elle.

Avec un tel engagement, Tassadit Zerdani incarne une vision audacieuse pour la recherche appliquée au Québec, où innovation sociale et accompagnement humain s'allient pour bâtir des solutions durables.  

Une chercheuse inspirante et engagée

En seulement deux ans comme employée, Tassadit Zerdani a initié cinq projets majeurs au CÉRSÉ, démontrant un dynamisme hors du commun. Sa passion pour l’innovation sociale, combinée à sa rigueur académique, fait d’elle une figure clé dans le paysage de la recherche appliquée au Québec.

« Chaque projet est une opportunité de faire une différence, de répondre aux besoins concrets des communautés, » conclut-elle. 

Un engagement qui illustre parfaitement l’esprit des centres collégiaux de transfert de technologie, au service du développement socio-économique du Québec.

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