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Revalorisation des résidus pour engrais écologiques | Réseau CCTT

Shape 18 mai 2022

Cette entrevue a été éditée et condensée à des fins de clarté.


Pas toujours facile la gestion des résidus provenant des abattoirs et des boucheries. En plus de la logistique du transport et de l’entreposage, la gestion des résidus est très coûteuse. Mais voici qu’un projet mettant en collaboration deux CCTT de chez nous, Biopterre – spécialisé en développement de bioproduits et Écofaune boréale spécialisé en fourrure nordique, voit le jour et propose aux entreprises une alternative écologique permettant de valoriser le tout en engrais agricole et en cuir éco responsable fait au Québec.


Dans le cadre de la Semaine de l’économie verte, Le Réseau des CCTT – Synchronex vous présente les acteurs principaux de ce projet innovant

  • Catherine Bélanger, Ph.D. biochimie - chercheuse chez Biopterre
  • Sébastien Lange, Ph. D. codirecteur chez Biopterre
  • Daniel Poisson, Chercheur, Ph.D. Chimiste chez Écofaune boréale

Q. Racontez-nous d'où l'idée sur la revalorisation des résidus issus des abattoirs/boucheries vous est venue ? Quels étaient les enjeux ?

Sébastien : Il y avait une problématique au niveau des abattoirs : la gestion des résidus! Dans cette gestion, il y a une logistique de transport à mettre en place, les contrats sont coûteux pour les entreprises. Il y a aussi la gestion des peaux qui doit être faite à part. Tous ces éléments représentent des coûts directs et il n’y a aucun retour sur investissement.

Qu’est-ce qu’on peut faire avec ça, comment on peut les traiter et simplifier la chaîne ? Avec un biodigesteur !

Ces appareils peuvent simplifier la gestion des résidus et donner plus de latitude aux abattoirs et boucheries pour gérer leurs résidus. Autant au niveau du transport, des coûts que des équipements.

Daniel : C’est alors que nous assistions à une présentation du Réseau des CCTT-Synchronex que la connexion s’est faite entre Biopterre et Écofaune boréale. Au fil des conversations, on a vite compris qu’on pouvait faire équipe pour revaloriser les peaux provenant des abattoirs. Le maillage était tout indiqué. En plus, on aime beaucoup collaborer avec d’autres CCTT !

Sébastien : Les abattoirs paient 25$ par peau pour les envoyer au site de compostage. Le coût devient vite élevé considérant le volume. Avec cette collaboration, on peut contourner ces frais et s’en servir pour alimenter une nouvelle industrie.

Catherine : On utilise un biodigesteur, c’est un type de compostage, mais à très haute température. C’est avantageux puisqu’il élimine les micro-organismes associés à la production d’odeur.

Comparativement au compostage « standard », la chaleur du procédé fait sortir l’eau de la biomasse. L’eau qui en ressort est filtrée et propre, elle peut être complètement rejetée, sans danger pour l’environnement. La matière sèche qui en ressort un digestat stabilisé et riche en élément nutritif qui pourrait devenir un excellent engrais, sans odeur ! En plus, le biodigesteur prend seulement 24h pour compléter son cycle, c’est vraiment rapide.

Sébastien : L’idée de départ était de diminuer les volumes que les abattoirs avaient à gérer. Le biodigesteur possède comme avantage de réduire le volume de 75 à 85% de l’intrant. C’est un impact économique direct ! La réduction de ce volume représente un gain non négligeable pour les abattoirs et les boucheries.

Ce projet-là ne serait pas possible sans le CNRC et le CRSNG, qui sont nos principaux financeurs.

Q. Il y a beaucoup d’eau récupérée à l'issue du processus du biodigesteur. Quel genre d’utilisation on peut en faire ?

Catherine : Normalement, c’est considéré comme de l’eau qu’on peut remettre dans les égouts pour être traité sans danger pour l’environnement. Éventuellement, on pourrait faire avancer les règlements et proposer des solutions pour ces eaux récupérées.

Sébastien : On veut faire la caractérisation de cette eau-là, notamment pour arroser les champs de céréales qui servent à nourrir les animaux. On pourrait vite être dans une économie 100 % circulaire.

Daniel : À plus long terme, dans le cas où on voudrait prétanner les peaux avant de les envoyer à la tannerie, il faut les laver, les faire tremper. Peut-être pourrons-nous utiliser ces eaux également à cette fin!

Q. Quel est l'impact de ce projet pour les entreprises d’ici ?

Catherine : Il y en a plusieurs! D’abord la réduction des coûts de gestion, de logistique et de traitement. Il y a aussi l’énorme réduction des volumes finaux de résidus. Ça augmente véritablement la rentabilité des opérations.

Sébastien : Ça génère également de l’emploi tout en redorant l’image de ce type d’entreprises. Il y a moins d’odeurs dans les usines, l’environnement est plus sain. Puis ça permet d’alimenter l’industrie des tanneries.

Daniel : C’est tout à notre avantage de supporter l’industrie du tannage d’ici. C’est près de 90% des cuirs qui sont importés au Québec et, d’un autre côté, on jette des peaux de qualité dans nos abattoirs. Ça ne fait pas de sens si on veut tendre à une économie circulaire. Pour Écofaune boréale, la valorisation la plus complète possible de l’animal est très importante. On peut même aller plus loin avec l’huile de pied de bœuf et les enzymes pancréatiques qui peuvent être utilisées dans les tanneries.

Q. On sait que les enjeux environnementaux sont une grande préoccupation collective, on veut toujours faire mieux ! Quel est le gain environnemental de vos activités ?

Sébastien : Si on est capable de transformer les résidus en engrais, on vient alimenter le circuit court agricole en engrais locaux, on diminue les importations. Nos engrais sont biologiques, on détourne donc des engrais chimiques. On réduit aussi le transport des résidus. Le bilan environnemental ne peut être que positif. On obtient de l’eau propre aussi, il ne faut pas oublier, c’est un gain important.

Si, par exemple, on prend 1200 tonnes de résidus qu’on réduit de 85%, on obtient 150 tonnes d’engrais potentiel, ce sont plusieurs champs qui peuvent être alimentés par ce volume d’engrais.

On aimerait arriver au zéro déchet, mais on va commencer par diminuer les volumes et caractériser les produits post traitements pour définir la meilleure voie de valorisation possible pour chacun d’eux.

Catherine : Le projet est écrit d’une façon, mais on n’est pas à une solution près. On est toujours dans l’innovation, prêt à faire évoluer nos idées.

Q. Les résultats obtenus sont très positifs, pouvez-vous nous parler du futur du biodigesteur et du projet ?

Catherine : Chez Biopterre, on a une usine pilote qui nous permet de faire des projections. Quand la programmation du biodigesteur est faite, n’importe qui peut s’en servir.

Sébastien : Il y a un prétraitement à faire avant d’alimenter le biodigesteur. Il y a plusieurs étapes, il y a plusieurs postes dans l’abattoir qui produisent différents types de résidus. On doit être capable de trouver des appareils qui pourront faire le tri et traiter convenablement les différentes matières résiduelles.

Daniel :

Notre objectif est de valoriser à 100 % les peaux. D’ici là celles qui sont de moins bonne qualité, que l’on ne pourra pas utiliser en tannerie, pourront aller dans le biodigesteur et non à l’enfouissement.

Sébastien : Un cahier des charges sera rédigé par Écofaune boréale pour établir les meilleures pratiques dans le but de maximiser le nombre de peaux récupérables. On veut s’assurer de la qualité, il faudra former les employés des abattoirs pour qu’ils puissent les traiter pour éviter les pertes le plus possible.

Daniel : Nous évidemment, on fait le lien avec les tanneries alors on connaît leurs exigences en frais de qualité des peaux. On va travailler avec les abattoirs pour tendre vers ça!


Site web Biopterre : https://www.biopterre.com/

Site web Écofaune Boréale : https://www.ecofauneboreale.ca/fr/

Le Réseau des CCTT travaille quotidiennement avec les entreprises d’ici pour bâtir un Québec plus innovant. Joignez-vous au mouvement!


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