Les CCTT, des outils pour propulser l’innovation selon Luc Sirois
L’innovateur en chef du Québec, Luc Sirois, parcourt le Québec depuis quelques mois dans le cadre de sa tournée des régions. À l’aide de données régionales, il rencontre des entrepreneurs et leaders régionaux à qui il rappelle l’importance de l’innovation. Les données 2022 du Baromètre de l’innovation au Québec brossent un portrait alarmant de la situation : le Québec est en queue de peloton des provinces canadiennes. Par ailleurs, cette tournée lui a permis de rencontrer les CCTT partout au Québec et de constater leurs impacts sur les communautés.
Luc Sirois est innovateur en chef du Québec, directeur général du Conseil de l’innovation du Québec et président du conseil d’administration d’Axelys, la société de valorisation de la recherche publique au Québec.
L’objectif de la tournée de l’innovateur en chef, qui se promène de ville en ville depuis quelques mois, est de comprendre la réalité des entrepreneurs et d’offrir du support aux leaders régionaux, aux acteurs de développement économique et aux entreprises. Ce sont les Espaces régionaux d’accélération et de croissance (ERAC) qui organisent les rencontres. Il y a 18 ERAC au Québec, qui ont pour objectif de faciliter l’accès des entrepreneurs à des services répondant à leurs besoins en matière de croissance et d’intégrations d’innovations. L’innovateur en chef se joint donc à des événements grand public pour discuter avec les acteurs de développement économique de l’état de l’innovation dans leurs secteurs / dans leurs régions et profite de ses déplacements aux quatre coins du Québec pour aller à la rencontre des directions d’entreprises. C’est aussi une occasion de présenter le Baromètre de l’innovation qui vise à établir un portrait des écosystèmes d’innovation du Québec et permettre le suivi de leurs évolutions grâce à un outil qui sera interactif et dynamique.
« Je demande aux dirigeants ce qui se passe concrètement, et je demande aux acteurs de développement socioéconomique ce qu’on peut faire. On apprend plein de choses. Évidemment, il y a un immense enjeu de pénurie de main-d’œuvre. Je constate aussi que peu d’entreprises prennent des moyens innovants pour corriger la situation », dit-il.
« Pour les entrepreneurs, [avec tous les enjeux], ça va mal et ça risque de s'aggraver. C'est maintenant qu'il faut innover, car ça ne va pas aller mieux demain. » - Luc Sirois
Des données qui démontrent l’ampleur du travail à faire en innovation au Québec
L’innovateur en chef souligne que la société québécoise est innovante et créative, mais moins qu’ailleurs dans le monde. « Une des choses que l’on remarque, c’est le fait que la recherche et le développement en entreprise sont présentement en déclin », souligne Luc Sirois. « Quand on regarde la pratique de projet de R&D au sein des entreprises au Québec par rapport à d’autres provinces, on est les plus faibles. Nos intentions de le faire sont les plus faibles. Les moyens qu’on prend pour y arriver sont les plus faibles. Notre usage des crédits d’impôt en soutien à la R&D est le plus faible », énumère-t-il.
Par exemple, selon les données, 51 % des entreprises québécoises ont réalisé des projets d’innovation dans les 12 derniers mois, comparativement à 56 % en Ontario et 60 % en Colombie-Britannique. Ces données, issues du Baromètre de l’innovation, sont précieuses. Luc Sirois souligne que si une entreprise ne se réinvente pas, la concurrence, elle, va le faire à sa place.
C’est fascinant de pouvoir amener des données sur la pratique de l’innovation aux régions, aux entreprises, aux acteurs de développement économique. Ça nous apporte un niveau de pertinence et d’intelligence supplémentaire. - Luc Sirois
Les données démontrent clairement que les entreprises qui ont réalisé un projet d’innovation constatent une croissance de leurs revenus deux fois et demie plus grande et exportent aussi plus que la moyenne des autres entreprises québécoises. Par ailleurs, les entreprises qui ont un département d’innovation, avec une personne responsable, prévoient réaliser davantage de projets que celles qui n’en ont pas. Et cet écart est majeur, à 74 %, contre 42 %.
Vous pouvez consulter les résultats de l’enquête en cliquant ici.
Luc Sirois croit qu’il faut que les entreprises s’engagent sur le chemin de l’innovation rapidement. « Il faut être plus créatif et je dirais même agressif », martèle-t-il. L’innovation peut prendre différentes formes, comme l’implantation d’un nouveau procédé en production, l’optimisation des processus de commercialisation, la bonification au niveau de la recherche et du développement. « Certaines entreprises le font. Elles ont compris l’avantage de travailler avec les centres de transfert d’innovation que sont les CCTT. Certaines d’entre elles travaillent avec les collèges, développent de nouveaux programmes, utilisent les façons d’intégrer les gens chez eux avec la formation à l’interne développée avec les collèges, les universités parfois », énumère-t-il.
Les CCTT comme levier d’innovation
Durant sa tournée, l’innovateur en chef a visité de nombreux CCTT de différentes régions du Québec. Il a aussi rencontré des organisations et entreprises qui font affaire avec ces derniers. « Les entreprises, ce qu’elles aiment [d’un CCTT] c’est qu’il s’adresse au problème et est en mesure de le résoudre : c’est concret et efficace », raconte Luc Sirois.
Les CCTT soutiennent les entreprises et organisations pour développer des produits, des concepts, des procédés, avec leurs 2 400 experts dans divers domaines. Les CCTT en pratiques sociales novatrices sont aussi générateurs d’innovation avec leurs méthodes, leurs processus, ou leurs outils par exemple. Ils utilisent les dernières technologies et des équipements performants pour répondre aux besoins des entrepreneurs, en plus de les accompagner dans la recherche d’aide financière.
Luc Sirois a d’ailleurs été fasciné par la proximité entre les centres de recherche et leur communauté, où qu’ils soient au Québec et peu importe leur domaine d’activité. « Le CCTT d’innovation sociale en développement durable, le CIRADD, à Carleton-sur-Mer, j’ai trouvé ça fantastique. Je les ai rencontrés avec le préfet de la MRC d’Avignon, Mathieu Lapointe, il y a quelques semaines », s’exclame-t-il.
« La MRC travaille avec un CCTT en innovation sociale comme si c’était son département de R&D, pour trouver comment améliorer les choses dans la communauté. C’est une synergie que je trouve extraordinaire. » - Luc Sirois
La MRC d’Avignon et les municipalités de cette région collaborent avec le CIRADD pour trouver des solutions dans les domaines des soins des aînés, de la logistique du transport dans leur région, etc. « Ils ont ainsi accès à un vaste réseau de savoirs, pour réfléchir, faire des travaux ancrés dans la réalité, amener des solutions, par le biais de chercheurs compétents. La ville ne va pas développer de grandes technologies, mais elle va développer des pratiques, des moyens, de nouveaux programmes, de nouvelles offres, de nouvelles façons d’organiser les choses », explique Luc Sirois.
D’ailleurs, le Conseil de l’innovation collabore aussi avec un CCTT en innovation sociale : le LLio, CCTT en innovation ouverte. « Le LLio collabore dans l’animation des travaux du Conseil, pour le Baromètre de l’innovation ainsi que dans la consultation pour la SQRI2. C’est un accompagnement agile, de qualité, et qui utilise les pratiques de pointe », dit Luc Sirois.
Partager le secret bien gardé des CCTT
Luc Sirois se définit comme un ambassadeur des CCTT : il ne rate jamais une occasion pour en parler. Il a déjà mentionné que les CCTT sont un secret bien gardé. « En termes de chiffres, c’est 5 % des entreprises qui savent que les CCTT existent et qu’ils sont là pour les aider à réaliser des projets d’innovation », mentionne-t-il. Il y a donc un énorme potentiel de développement.
Selon Luc Sirois, il faut faire comprendre l’importance de l’innovation au sein de l’écosystème entrepreneurial. « Quand tu leur montres que les autres, leurs compétiteurs, font des choses qu’ils ne font pas, ils comprennent ».
Il croit que la prochaine étape pour les CCTT est d’avoir une vue claire du marché cible pour bien se positionner, clarifier leur rôle et rayonner de manière plus uniforme.
« C’est un secret bien gardé qui, j’espère, va être moins bien gardé. Tout le monde mérite de connaître les CCTT parce qu’ils sont la clé pour développer l’innovation dans des entreprises! » - Luc Sirois
Rappelons que les 59 CCTT du Réseau sont présents partout au Québec. Grâce à des équipements de pointe, les CCTT répondent aux besoins des clients dans de nombreux domaines des technologies et pratiques sociales novatrices.
D’autres moyens pour devenir une société encore plus innovante
Le Conseil de l’innovation mise sur 3 éléments pour améliorer le bilan en innovation du Québec. « En premier lieu, on a établi une nouvelle offensive pour que les entreprises trouvent les organisations comme les CCTT pour leurs projets, on le fait de façon décentralisée. On forme des conseillers de développement économique pour créer un réseau des conseillers en innovation du Québec. Tous les conseillers qui parlent aux entreprises sont invités à être formés. Accès entreprise Québec, Investissement Québec, les ÉRAC, les commissaires de développement économique dans les régions, etc. pour que tout le monde sache quelles sont les ressources et sache comment les référer aux entreprises », explique Luc Sirois.
Également, le Conseil de l’innovation veut développer la culture d’innovation auprès des entreprises. « Au départ, il y a près du trois quarts des entreprises qui ne font pas de projets d’innovation. Donc en soi, il y a du travail à faire. Une fois qu’on les aura convaincus, ils diront qu’ils ne sont pas équipés pour faire ça. C’est alors que l’on pourra leur parler des ressources déjà en place, dont les CCTT », souligne-t-il.
Par ailleurs, Luc Sirois croit qu’il faut aussi faciliter la compréhension de l’écosystème de l’innovation. « Les entreprises sont rebutées par le nombre d’organismes qui existent. C’est plus de 650 au Québec uniquement. Les gestionnaires d’entreprises n’ont pas la patience ni la capacité de se démêler dans ces toutes ces offres d’expertises quand il est venu le temps de faire un choix. », croit-il. Il veut donc miser sur un effort de communication et d’éducation.