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Transformation numérique: Au-delà des robots à la chaîne

Shape 28 septembre 2023

Cet article a été rédigé par les journalistes de La Presse et présenté dans le cahier XTRA du 28 septembre 2023.
Pour consulter l'article original : https://www.lapresse.ca/affair...
Autrice: Maude Goyer

L’ère des robots qui font à la chaîne une seule et même tâche, jour après jour, est révolue. La transformation numérique passe par l’intelligence artificielle, la gestion de données et l’agilité, peu importe la taille et le secteur de l’entreprise. Peu à peu, les entreprises d’ici s’y mettent.

«Les entrepreneurs ne sont plus frileux, ils sont intéressés et ils sont volontaires», dit Thierry Warin, professeur de sciences des données au département des affaires internationales à HEC Montréal et chercheur au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO). «Toutefois, ils se butent à deux choses: un risque de récession cet automne ou à l’hiver et la pénurie de main-d’œuvre.»

Dans ce contexte, se lancer dans la transformation numérique n’est pas un réflexe, mais plutôt un défi, voire un casse-tête.

«Tout le monde réalise la nécessité de faire le saut, mais le manque de temps libre et d’expertise freine les entreprises, indique Jonathan Gaudreault, professeur au département d’informatique et de génie logiciel de l’Université Laval. C’est un peu l’œuf ou la poule : les ressources humaines sont trop occupées à chercher et recruter du personnel pour se lancer dans la transformation numérique... mais celle-ci aiderait à pallier le manque d’effectifs.»

Vision et leadership

La solution, selon lui? La participation de la haute direction, en plus d’une vision et d’un leadership qui embrassent le virage numérique, sans regarder derrière.

«C’est un choix de devenir une entreprise de haute technologie, ajoute M. Gaudreault, également directeur du Consortium de recherche en ingénierie des systèmes industriels 4.0. En ce sens, c’est la responsabilité de tout le monde... mais si la haute direction n’y croit pas, ça n’ira nulle part.»

Le désir d’innovation est bel et bien là, croit Jean-Denis Martin, directeur général du Centre de recherche en robotique, vision et intelligence artificielle (CRVI). Et si plusieurs éléments de la transformation numérique sont développés et prêts (caméras, robots, intelligence artificielle, par exemple), c’est l’intégration de l’ensemble qui tarde parfois.

«Les possibilités sont immenses. Et on sait que les programmes et les subventions, au provincial et au fédéral, sont là pour aider les entreprises à absorber le risque. On sait aussi que la robotisation d’aujourd’hui peut travailler de façon sécuritaire dans un environnement avec des humains.» – Jean-Denis Martin, directeur général du Centre de recherche en robotique, vision et intelligence artificielle

Un modèle d’affaires transformé

Ni le Québec ni le Canada ne sont des chefs de file en transformation numérique en ce moment, selon les trois experts interrogés, mais ils sont bien placés grâce à l’élan donné par les deux ordres de gouvernement.

«C’est un aspect très positif, souligne Thierry Warin. Il y a énormément de programmes publics. Le signal est envoyé : le Québec est une petite économie productive, ouverte sur le monde, qui est en train de développer de la littératie sur l’intelligence artificielle.»

Selon lui, une transformation numérique réussie permet de mieux prévoir ce qui s’en vient grâce à sa gestion de données. «L’entreprise peut alors développer des stratégies et des tactiques pour naviguer dans le brouillard, explique-t-il. Les données sont un peu comme des phares antibrouillards : elles ne vont pas prédire l’avenir, mais elles vont nous éclairer et nous indiquer si on est encore sur la route.»

Dans sa phase achevée, la transformation numérique modifie le modèle d’affaires même de l’entreprise: celle-ci devient une entreprise de données de niche. Il cite à titre d’exemples Tesla ou John Deere. «Ce ne sont pas des entreprises du domaine automobile ou agricole, glisse-t-il, ce sont des entreprises qui amassent, analysent et vendent des données.»

Faire des armoires… sans travailleur

C’est le désir de faire les choses différemment qui a poussé Bastien Larouche à fonder en 2012 Roboistic, entreprise manufacturière d’armoires de cuisine. Établie à Saint-Apollinaire, l’entreprise utilise des processus entièrement numériques.

«Est-ce que je pourrais fabriquer des armoires de cuisine en ayant toutes les lumières de l’usine éteintes? C’est de cette idée que je suis parti», raconte M. Larouche, visiblement fier du chemin parcouru par son entreprise.

Non seulement la fabrication passe par des cellules robotisées, mais les commandes se font aussi par l’entremise d’une plateforme numérique, ce qui élimine beaucoup de perte de temps. De plus, l’entrepreneur détient aujourd’hui des informations clés sur sa production et sur ses clients.

«Ma base de données révèle tout d’une commande: son historique, les dates, les rejets, ce qui a bien été ou mal été, dit-il. Et jamais on ne recule dans notre savoir-faire! Peu importe si les gens changent, on ne peut que rebâtir sur ce qu’on a et ce qu’on sait déjà.»

Il ajoute que son noyau de travailleurs est précieux: chacun doit jouer plusieurs rôles. L’entreprise emploie de six à dix fois moins de travailleurs qu’une usine de taille similaire, qui détient un volume de production équivalent.

Et ce n’est pas fini. Bastien Larouche est toujours mordu de haute technologie et il suit le courant. «J’investis en ce moment pour passer à une nouvelle phase numérique avec une autre façon de passer les commandes, beaucoup plus “2024”.»

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