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Bonnes pratiques pour les projets de recherche avec les Premières Nations

Shape 21 juin 2023

Le Réseau des CCTT tenait son premier colloque à l’ACFAS le 11 mai dernier. Intitulé « Sciences et savoirs : au cœur du développement durable des territoires », différents panélistes y ont défilé au cours de la journée. Le premier volet visait à faire émerger les pratiques et postures que les chercheurs devraient adopter pour favoriser la contribution de la recherche au développement des territoires de proximité, notamment des collaborations avec les communautés autochtones. Nous revenons sur les discussions avec la directrice, secteur recherche, à l’Institut Ashukan, Edith Bélanger, qui était partie prenante de ce panel.

Autrice de deux livres sur la culture Wolastoqey et conférencière sur les enjeux autochtones, Edith Bélanger est également chroniqueuse pour Radio-Canada. En plus d’être mère de quatre enfants, Edith est diplômée en philosophie de l’Université Laval, d’un DESS de l'ENAP en administration publique en contexte autochtone et poursuit actuellement des études au doctorat dans le domaine de la gouvernance traditionnelle autochtone à l’UQAT. Elle est actuellement directrice, secteur recherche à l’Institut Ashukan.

Charles-Olivier Jacques de Nergica, Claire Dubé du CERSÉ, Édith Bélanger de l'Institut Ashukan et Christine Bernier du Réseau des CCTT lors du congrès de l'Acfas.
Charles-Olivier Jacques de Nergica, Claire Dubé du CERSÉ, Édith Bélanger de l'Institut Ashukan et Christine Bernier du Réseau des CCTT lors du congrès de l'Acfas.


Edith Bélanger ressort satisfaite de sa participation au colloque présenté par le Réseau des CCTT. Elle y a découvert le milieu de la recherche appliquée plus en profondeur. « Je suis majoritairement en milieu universitaire et j’ai trouvé ça vraiment intéressant de faire cette incursion en recherche appliquée. Souvent, on me demande de parler des méthodologies de recherche en contexte autochtone et ça reste très théorique. J’ai aimé avoir des discussions sur la base des grands principes, mais aussi qu’on les fasse atterrir avec des exemples de projets bien spécifiques, avec des enjeux terrain et des techniques de collaboration avec les communautés », souligne-t-elle.

La recherche appliquée force à adapter les principes méthodologiques à son secteur d’activité. C’est vraiment super enrichissant. On a vu plein d'exemples, dont un dans le domaine de la cartographie, avec une valorisation plus grande des savoirs traditionnels autochtones, alors que la cartographie n'est pas du tout un domaine qui, de prime abord, se conciliait bien avec les visions du monde autochtone.

Elle croit qu’il y a beaucoup de réconciliations à faire entre les savoirs traditionnels autochtones et les méthodologies de recherche des institutions. « Il faut comprendre comment on part des grands principes, des méthodologies de recherche en contexte autochtone et qu’on réussit à en développer des pratiques différentes sur le terrain. Il faut passer de l’abstrait au concret », dit Edith Bélanger.

Des approches porteuses pour la suite

Elle rapporte que les projets présentés, dont le microréseau autonome du CCTT en énergies renouvelables Nergica avec la communauté mi’gmaw de Gesgapegiag, ainsi que l’Atlas culturellement adapté aux Pessamiulnuat, les Innus de Pessamit, présenté par la chercheuse Claire Dubé du CCTT en responsabilité sociale et écocitoyenneté, le CERSÉ, nécessitent une grande implication des communautés. « Ce n’est pas juste : "on va consulter la communauté, mais finalement on va présenter un projet qui est déjà canné, puis on reviendra faire le point une fois de temps en temps". C'est beaucoup plus que ça. », souligne Mme Bélanger.

Avec les projets en recherche appliquée, la collaboration se fait dès l'idéation du projet, dans toutes les étapes de la réalisation puis même à la fin, avec le transfert de connaissances. C'est ce qui est recommandé de faire.

Edith Bélanger croit qu’il est important que les communautés définissent d’abord leurs besoins, la nature de l’implication qu’elles souhaitent mettre dans un projet puis qu’elles soient présentes à toutes les étapes pour que ce soit un succès de collaboration. « Il faut que le projet corresponde aux besoins sur le terrain. Il faut vraiment que ça vienne de la communauté. Trop longtemps, la recherche s'est faite à partir des envies des chercheurs et des subventions disponibles pour des sujets de recherche particuliers », dit-elle.

Comprendre le fonctionnement des communautés

Édith Bélanger, directrice, secteur recherche à l'Institut Ashukan.
Édith Bélanger, directrice, secteur recherche à l'Institut Ashukan.


Edith Bélanger souligne l’importance de s’informer et d’apprendre à connaître la communauté autochtone avec laquelle on collabore avant de démarrer quoi que ce soit. Il y a différents modèles de gouvernance et les décisions ne sont pas toutes prises au même endroit selon les communautés.

Il faut vraiment comprendre à qui le projet va faire appel, qui en sont les parties prenantes. Puis ce n’est pas au chercheur de déterminer, c’est aux communautés. Parfois, ça peut être plus long à faire cheminer. Il y a souvent plein de monde interpellé et ce n’est pas toujours clair qui va prendre la décision.

« La gouvernance imposée par la Loi sur les Indiens, c’est le Conseil de bande. C’est appliqué à toutes les communautés autochtones à travers le Canada. Cependant, la manière dont le Conseil de bande va gérer les demandes de projets de recherche varie d'une communauté à l'autre. Il y a des communautés qui ont des structures de directions : direction territoriale, développement économique, par exemple, qui vont prendre des décisions. Dans ces cas-là, il faut le savoir parce que ce sont eux la porte d'entrée et non les élus », explique-t-elle.

« Il y a aussi, dans certaines communautés, des modèles de gouvernance plus traditionnels qui agissent en parallèle. On pense par exemple à des communautés qui ont des systèmes de gouvernance où les mères et les aînés sont très influents », poursuit-elle. Finalement, il y a aussi des communautés regroupées en conseil tribal.

Quoi retenir de son passage à l’Acfas ?

Edith Bélanger rappelle que les méthodes de recherche en contexte autochtone ne sont pas une science exacte. « Quand les principes éthiques ont été développés, je pense que les gens étaient perplexes par le fait que ce n’est pas une liste à cocher. Ce sont vraiment des valeurs et des principes qui sont mis de l'avant et ça fait appel à des capacités humaines. Il y a une question de compatibilité aussi entre les gens », croit-elle.

Ce sont des aptitudes personnelles qu'il faut développer. Ça ne peut pas être fait sans un intérêt sincère parce que le niveau de connaissance que ça va demander pour établir une relation va être beaucoup plus grand que ce qui concerne ton projet unique.

Conseils pour un projet de collaboration efficace

  • Partir d’un besoin de la communauté.
  • Il faut que l’équipe de recherche acquière des connaissances de base suffisantes sur la nation, son fonctionnement, la manière dont l’information va circuler au sein de la communauté.
  • Clarifier les attentes de toutes les parties prenantes et leur disponibilité. « C’est un des enjeux qui arrive souvent : le centre de recherche arrive avec ses ressources et sa structure tandis que la communauté autochtone a des effectifs réduits, a des urgences politiques et est surchargée. Si on qualifie quels sont les rôles et responsabilités de chacun, en sachant que ça va évoluer, on se donne des chances », mentionne Edith Bélanger.
  • Faire preuve d’adaptation, d’ouverture d’esprit et de flexibilité. « Les contraintes budgétaires, les contraintes de temps, elles ne sont pas vécues de la même manière dans des organisations autochtones que dans les centres de recherche », dit-elle.
  • Reconnaître et valoriser les connaissances déjà présentes au sein des communautés autochtones
  • Prendre le temps d'établir une relation. « Il faut éviter les rencontres trop formelles avec des ordres du jour en 15 points. Il faut s’impliquer : aller dans les événements de la communauté comme les Pow Wow par exemple. Pour les communautés, ça démontre que la personne de l’équipe de recherche est vraiment intéressée », conclut-elle.
  • Utiliser une méthode facilitante pour la diffusion des résultats en intégrant des images, des schémas par exemple

Pour en savoir plus sur l’Institut Ashukan : https://institutashukan.com/

Découvrez des documents de références du Réseau des CCTT pour collaborer avec des communautés autochtones : https://reseaucctt.ca/ressourc...

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